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Avec le passage au XIX° siècle, Venise n'est plus une capitale; elle a perdu depuis longtemps sa raison économique et son pouvoir politique s'est progressivement annulé. Après la chute de la République, elle n'est plus qu'une pièce de la vaste mosaïque qui a des sommets et des coordonnées dans les grandes formations européennes.
L'histoire napoléonienne, brève mais aux événements si denses, laisse à Venise les signes d'une idée clairvoyante de modernisation, qui ne se conclut pas, mais en alimente vivement l'avenir: l’hypothèse d'une liaison avec la terre ferme, la relance européenne du port, un ensemble de grands équipements urbains et de jardins publics imposants, la réhabilitation du centre. Le tout favorisé par des initiatives administratives concrètes, comme l'organisation par Départements (où Venise serait la capitale de celui de l'Adriatique), la modernisation de l'administration publique, la mise au point du Cadastre, la saisie des biens ecclésiastiques avec la rénovation de nombre d'édifices pour y accueillir de nouveaux équipements urbains. Un processus documenté par le lancement de certaines premières initiatives concrètes comme la rue Eugenia à Castello (l’actuelle rue Garibaldi), qui constituerait le début de la liaison avec la terre ferme, ou les jardins publics encore à Castello, et à Saint-Marc à la place de l'ancien grenier, ou la réfection du fond de la Place Saint-Marc (mais en même temps la démolition de nombreux édifices, surtout religieux, et la spoliation massive d'églises et d'écoles, la "Venise disparue"qui n'a pu être récupérée que plus tard et dans une moindre mesure).
L'histoire autrichienne éteint la fougue d'innovations si profondes et concentre les efforts et les énergies sur d'autres zones: c'est le tour de Trieste, où le lancement du port se trouve dans sa phase la plus aiguë. Cependant, bien que ce soient les années de la plus forte décadence économique et de la crise démographique la plus dramatique, c'est précisément le port qui déclenche la relance de Venise (l'extension du Port Franc à l'ensemble de la ville remonte à 1830, après qu'en 1806 il avait été créé dans les limites de l'île de S. Giorgio); une relance favorisée bien vite par le raccordement ferroviaire avec Milan (1846), accompagné de la construction du premier pont en fer sur le Grand Canal , en face de la gare ferroviaire (1858) - quatre ans avant avait été réalisé celui de l'Académie (1854) - et l'enfouissement de beaucoup de canaux, avec l'ouverture de nouveaux parcours piétonniers , surtout dans les zones les plus marginales de la ville.
Les interventions se succèdent avec une intensité croissante, même dans le changement du contexte politique à la suite de l'unification: en 1865, la gare ferroviaire est inaugurée, et tout de suite après (entre 1867 et 1871), est ouverte la Strada Nuova, le grand axe qui de là conduit au centre; en 1880, c'est le tour de la gare maritime qui confirme le nouveau rôle du port et la consolidation du nouveau front portuaire vers la terre ferme.
La ville semble donc vouloir se réorganiser en misant sur trois directions précises: la formation d'une base industrielle moderne liée au port, la rationalisation du centre et le lancement touristique de la ville et du littoral.
Le long du bord lagunaire apparaît la manufacture, soutenue par des capitaux étrangers et attirée par les infrastructures ferroviaires et portuaires et par la présence de vastes zones libres (ou de terrains faciles à obtenir grâce à l'amélioration des anses et des lais),dans une situation proto-industrielle où l'insularité ne constitue pas encore un facteur négatif. Un vaste ensemble de zones, d'entrepôts, de manufactures, d'usines, de quais ferroviaires, de môles, de grues, typique de toute périphérie moderne, entoure bientôt la grande masse des moulins Stuky , construits en plusieurs étapes à la fin du XIX° siècle, et aujourd'hui encore emblème éloquent de cette importante saison de la ville; d'autres manufactures les suivent, alors qu'au bord de la lagune au sud s'installent de nombreux chantiers navals, avec les bateaux (en désarmement ou dans l'attente d'être réparés) qui commencent à faire partie du paysage de l'île. Si on continue, on a d'autres quartiers populaires, au milieu des restes des riches jardins de la Renaissance.
A côté de la manufacture on trouve donc rapidement des quartiers populaires , à la Celestia, à S.Giobbe, à S.Marta, qui seront suivis par les quartiers bourgeois à S.Elena et dans la zone de S.Rocco, et plus récemment par ceux de Sacca Fisola. Venise est alors une des premières villes industrielles italiennes, à tel point qu'aujourd'hui les témoignages de cette phase sont plus évidents que dans bien d'autres régions, même s'ils sont dans un état d'abandon, car ils n'ont pas été absorbés par l'expansion urbanistique, bloquée ici par la présence de la lagune.
On entreprend en même temps la modernisation du centre. Un nouveau système piétonnier relié à de vastes bassins d'eau se superpose à l'ancien tissu entre Rialto et Saint-Marc, avec la présence de banques, de bureaux et d'hôtels: on ouvre Calle XXII marzo (entre 1880 et 1882), on rationalise l'axe de la Place S.Bartolomeo à la Place Manin, on aménage la zone du Bassin Orseolo. De grandes rues, des démolitions et des enfouissements, une sorte de prolongement bourgeois typique du XIX° siècle de la Place Saint-Marc, et ce n'est pas un hasard s'il est étroitement lié à la réfection de l'aile napoléonienne effectuée seulement quelques décennies auparavant.
Un peu plus à l'extérieur, les grands hôtels, d'abord sur le Grand Canal et sur la Riva degli Schiavoni et ensuite au Lido, témoignent du lancement touristique de Venise, rapidement favorisé dans un contexte international par l'idée de l'"Exposition internationale d'art" (la Biennale) et de sa matérialisation concrète dans les pavillons construits à Castello à partir de 1922.Franco Mancuso
1800 - 2000 - - rev. 0.1.8